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Retraite à 65 ans

Une réforme au goût amer pour la population et la majorité

15 juin 2025, 06:00

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Une réforme au goût amer pour la population et la majorité

(Photo d'illustration)

Une nouvelle tempête politique gronde autour du gouvernement. Après l’affaire NEF, c’est désormais le relèvement de l’âge de la pension de vieillesse qui provoque un séisme politique et social. Annoncée dans le budget 2025-26, la mesure consistant à repousser progressivement l’éligibilité à la Basic Retirement Pension (BRP) de 60 à 65 ans d’ici cinq ans suscite une onde de choc qui dépasse les clivages partisans. Pour beaucoup, cette décision, justifiée par des arguments budgétaires, traduit surtout un éloignement inquiétant du gouvernement face aux réalités du terrain.

Présentée comme une nécessité dans un contexte de vieillissement de la population, de dette publique alarmante et de pressions croissantes sur les finances de l’État, cette réforme se heurte à un rejet massif. L’absence de véritable consultation en amont avec les syndicats, les partis ou la société civile est pointée du doigt. Plusieurs acteurs estiment que cette réforme a été imposée de manière technocratique, sans prendre en compte les efforts physiques et les conditions de travail précaires d’une grande partie des Mauriciens.

Du côté de la majorité gouvernementale, les voix discordantes se multiplient. Le député Ehsan Juman a exprimé son désaccord sans détour : «Konsernan laz retret, mo fermeman dakor ki ogmant li pa enn opsion». Une déclaration rare, mais symptomatique d’un malaise plus profond. Khushal Lobine, leader de Nouveaux Démocrates, est lui aussi monté au créneau, dénonçant une mesure déconnectée de la réalité sociale du pays.

Malaise au sein de l’alliance au pouvoir

Le Premier ministre adjoint, Paul Bérenger, qui a assuré l’intérim durant l’absence du chef du gouvernement, a tenté de calmer le jeu. Plusieurs réunions de crise ont eu lieu les 10 et 12 juin au sein du comité ministériel. Ce lundi 16 juin, une réunion spéciale du Conseil des ministres devrait tenter de recoller les morceaux. Ce n’est un secret pour personne : l’Alliance du changement est divisée. Une majorité au sein du Parti travailliste (PTr) refuse de cautionner une telle mesure, tandis que certains ministres d’autres composantes de l’alliance persistent à vouloir aller de l’avant. Le retour du Premier ministre, Navin Ramgoolam, de ses engagements diplomatiques en France, est attendu comme déterminant. Il devra trancher, alors que les débats parlementaires sur le budget sont sur le point de commencer.

Les justifications avancées par le ministère des Finances – durabilité du système, contraintes budgétaires, tendances démographiques – sont entendues, mais restent insuffisantes pour une grande partie de la population. Car derrière les chiffres, ce sont des vies concrètes qui sont impactées. «Travailler jusqu’à 65 ans, c’est envisageable dans un bureau climatisé. Mais pour les maçons, les aidessoignants, les femmes de ménage, les petits commerçants, c’est une punition», s’indigne un député du PTr. Ce sentiment d’injustice sociale est renforcé par le fait que la réforme ne prévoit aucune différenciation selon les secteurs d’activité ou les pénibilités du travail.

Selon le député, la proposition de relever l’âge de la pension de vieillesse de 60 à 65 ans sera réexaminée ce lundi. «Le Premier ministre envisage de revoir sa décision, notamment en raison du risque de dégradation de la note souveraine de Maurice par l’agence Moody’s. Il est impératif de trouver une formule plus équitable pour tous», a-t-il confié. Toujours selon ce député, une large majorité au PTr s’oppose fermement à cette mesure. Lors d’une réunion parlementaire tenue lundi dernier, plusieurs élus ont exprimé leur mécontentement et soumis des alternatives.

Toutefois, certains ministres issus d’autres composantes de l’Alliance du changement ont rejeté ces propositions, réaffirmant leur volonté d’aller de l’avant avec le relèvement progressif de l’âge de la retraite. Plusieurs figures du mouvement Rezistans ek Alternativ dénoncent, en interne, le mutisme d’Ashok Subron, ministre de la Sécurité sociale, et celui de son adjoint Kugan Parapen. Le contraste est frappant : un mouvement historiquement engagé contre les réformes antisociales et pour la justice sociale, aujourd’hui silencieux sur une mesure aussi centrale. Ce silence est de plus en plus mal vécu par les militants de base, qui y voient une forme de reniement.

Ce lundi, le gouvernement n’aura plus le luxe d’ignorer la colère qui monte. Il est désormais question d’amendements ou de possibles exemptions pour certaines catégories. Mais pour beaucoup, le mal est déjà fait. L’effet d’annonce, mal calibré, a semé la confusion et la défiance. À cela s’ajoute l’inquiétude croissante d’une dégradation par les agences de notation internationales comme Moody’s, qui pourrait aggraver la situation économique et accentuer les tensions.

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