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Élections municipales 2025

Victoire électorale, mais avertissement citoyen

7 mai 2025, 14:00

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Victoire électorale, mais avertissement citoyen

■ L’Alliance du changement a largement dominé les débats dans les cinq villes du pays en s’imposant 117 à 120. © Beekash Roopun.

L’Alliance du changement s’est offert un raz-de-marée électoral lors des municipales, mais derrière cette domination sans appel, les électeurs envoient un message limpide : la victoire ne suffit plus, il faut désormais convaincre dans l’action. Les attentes sont immenses, la confiance, elle, vacille.

Les résultats sont tombés comme un couperet, sans surprise mais non sans conséquences. En raflant la quasi-totalité des sièges lors des élections municipales, l’Alliance du changement confirme son emprise politique. Cette victoire, si elle renforce indéniablement le gouvernement central, ne doit toutefois pas être interprétée comme un blanc-seing de la population. Car derrière l’ampleur des chiffres, de nombreuses voix s’élèvent déjà, appelant à la vigilance, à l’écoute et surtout, à un changement tangible.

Éviter les erreurs

C’est ce que martèle Reeaz Chuttoo, président de la Confédération des travailleurs des secteurs privé et public (CTSP), qui s’est exprimé avec gravité à l’issue du scrutin : «L’Alliance du changement finn gagn bann eleksion rezional, me li finn perdi enn parti lakonfians lepep. Se enn rekil ki bizin pa neglize.» Le syndicaliste y voit un signal d’alarme. Derrière les scores flatteurs, une partie de l’électorat semble désabusée, voire méfiante.

Il appelle les nouveaux élus à se montrer à la hauteur de leurs engagements, en évitant les erreurs du passé et en garantissant une gouvernance équitable. Il cite notamment le remboursement du transport uniquement accordé aux employés du secteur public âgés de plus de 60 ans, une mesure qu’il juge discriminatoire envers les travailleurs du privé. «Pa fer bann erer ki pou plis fer zot perdi konfians», insiste-t-il.

Mais au-delà des revendications sociales, c’est toute la respiration démocratique qui revient au centre du jeu, après plusieurs années marquées par des renvois électoraux contestés. Pour Ashvin Gudday, négociateur syndical de la Private Sector Employees Union affiliée à la General Workers Federation, ce scrutin marque un tournant. «Enfin, la démocratie respire. Après des renvois controversés et des recours juridiques, les citadins ont pu librement s’exprimer dans les urnes.»

Plusieurs éléments retiennent cependant l’attention. L’abstention, d’abord, demeure préoccupante. Ensuite, la victoire écrasante de l’Alliance du changement, bien que prévisible avec la vague des 60-0, s’explique aussi par l’absence de gros blocs de l’opposition. Une configuration qui, selon lui, déséquilibre le jeu démocratique et prive les citoyens d’un véritable contre-pouvoir. «Une opposition forte aurait permis de maintenir un équilibre essentiel», déploret-il, tout en saluant l’exploit des quelques élus de l’opposition qui, selon lui, ont apporté une «bouffée d’air frais et une piqûre de rappel que rien n’est jamais totalement acquis».

Malgré leur victoire, les nouveaux conseillers devront prendre le temps de s’installer. Une majorité d’entre eux en sont à leur première expérience politique, ce qui implique une phase d’apprentissage. La transition pourrait s’avérer délicate, d’autant plus que les défis sont nombreux et urgents. Les attentes des citadins sont claires : ils veulent des actions concrètes, pas seulement des discours. Le développement urbain, la lutte contre la drogue, la sécurité des quartiers, l e s infrastructures dégradées, la relance de l’économie locale, l’accès aux loisirs pour les jeunes et une meilleure protection des personnes âgées figurent parmi les priorités.

Planification déficiente

Autre sujet de préoccupation : l’adaptation face au dérèglement climatique. Des drames comme l’effondrement du mur du cimetière de Saint-Jean et les dégâts causés par les inondations en zones urbaines ont mis en lumière les failles d’une planification déficiente et d’une réactivité institutionnelle parfois lente. Il devient impératif de repenser l’aménagement des villes et de bâtir une stratégie de résilience environnementale à l’échelle locale.

À cela s’ajoute la nécessité d’une autonomie véritable des administrations régionales. Les appels à une décentralisation concrète se font plus pressants. Le rôle des municipalités ne peut se limiter à de simples relais d’un pouvoir central omniprésent. Il faut leur donner les moyens d’agir, d’innover, de gérer leurs finances et surtout, de répondre directement aux besoins de leurs populations.

Ashvin Gudday souligne également que l’introduction du vote électronique aurait pu favoriser une plus forte participation, en particulier chez les jeunes et les personnes âgées. «Moderniser les pratiques électorales, c’est aussi une façon de renforcer la démocratie.»

Enfin, beaucoup s’interrogent sur l’héritage laissé par l’équipe municipale précédente, élue lors du fameux 120-0 de l’Alliance Lepep en 2015. Que vont découvrir les nouveaux élus en ouvrant les placards des administrations locales? Quels projets ont été enterrés? Quelles erreurs devront être corrigées ? «Bon courage a u x 120 nouveaux soldats. L’heure est grave. Il faut sauver nos villes», conclut un autre syndicaliste. Mais pour réussir, il faudra aller au-delà des slogans, et offrir une vraie gouvernance participative, transparente et ancrée dans la réalité des citadins.

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